Chronique CD: Christophe Panzani

Christophe Panzani

Mère Océans

(the Drops Music / L’Autre Distribution)

Christophe Panzani (sax ténor, clarinette, clarinette basse, flûte), Tony Paeleman (piano, claviers, mix), Enzo Carmiel (piano), Guilhem Fouzat, Antoine Pierre (batterie)

On le sollicite dans le mundillo du jazz pour la sonorité typée profonde de son sax, son éclectisme également. Donc pour sa capacité d’adaptation quelques soient les chantiers musicaux engagés. Christophe Panzani pour cette nouvelle étape très personnelle, de son ténor a choisi d’élargir le spectre sonore. D’où un album polymorphe, sans étiquette précise. Sauf qu’il s’inscrit à l’évidence dans le registre des musiques façonnées avec les outils studio du présent afin de mieux pouvoir voyager, qui sait, vers un profil du futur. Cet objet musical se trouve avoir été « travaillé dans une extrême urgence » avoue-t-il, afin de pallier la disparition d’un être cher. Le disque reflète du coup un langage gorgé d’émotion. Il sonne ainsi tout au long de cette conversation musicale plutôt intime non pas en monochrome, plutôt en mode puzzle imprimé de formes, de teintes qui vont avec. Son « ami » Tony Paeleman, en « deus ex machina » du genre lui apporte une forte contribution dans ce travail de production effectué en studio avec tous les outils numériques actuels.

De fait les claviers acoustiques, électriques ou électroniques forment la base, le terreau de cette floraison musicale aux parfums très iodés. Avec en renfort pour Paeleman, accouplé à dessein, l’élégant jeu de piano acoustique d’ Enzo Carmiel. De quoi donner en bonus à ces trames qui s’étirent le mouvement constant de flux et le reflux de vagues ou de houle du large. S’incrustent dès lors fort à propos du dit « Mères Océan » des mélodies comme autant d’écume flottant en surface. Pourtant dans les phrases, les lignes de notes là doublées à l’unisson, ici lâchées dans un souffle d’écho ou de réverbération, ailleurs dispersées au vent sur des accords répétés, à la fin des fins ce sont bien des chants qui s’élèvent. Qui pénètrent dans le cortex. Que l’on retient. Sinueux, insinués mais insistants en boucles via des effets loop comme en couplets qui viennent et reviennent, ils prennent possession de l’espace. Et prennent leurs temps aussi sur des tempos majoritairement modérés. Histoire sans doute de rester fort présents.

Christophe Panzani dit avoir pensé au rituel mécanique de drums machines pour scander ces climats océaniques. Les marques rythmiques imprimés in fine, plus finement taillées, rappellent plutôt les sinusoïdes des groupes allemands des seventies, la patte d’un Brian Eno voire les séries cultivées en son laboratoire par Steve Reich. Dans un décor ainsi connoté vingt mille lieux sur la Mère Océans, le sax ténor fait figure de vigie très nature. De quoi comme le clame le thème conclusif, en un feeling de bon aloi, serein « Regarder la mer s’éloigner » Avec en fond sonore le rythme apaisé d’une batterie revenue, elle en vagues, à une sonorité également naturelle.

Robert Latxague

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