CD

Bireli Lagrène

Solo Suites (Peewee! / Socadisc)

De la guitare en art brut. Et en solo. En airs libérés après avoir été entendus, pensés, ouvragés. Seul avec sa guitare Bireli effectue des visites, des re-visites, des découvertes et part au feeling vers des échappées belles. Il ne se pose pas de question superflue Il fait juste chanter les cordes pour incarner à sa manière des chansons (Nature Boy) Il emprunte les chemins des standards (My foolish heart) Il met son poinçon d’orfèvre sur des guitares -acoustiques en majorité- jouées très nature. Il évite plutôt les clichés (vitesse sur le manche, ornements strictement manouches) comme cette fois son péché originel de virtuosité gratuite. Biréli joue ici des notes coulées, flatte la mélodie juste ce qu’il faut (Green light), accroche des suites d’accords brillants histoire d’évoquer le mouvement (Caravan) . On le sait facile, apte à briller sans effort apparent sur son nstrument fétiche’ On connaît son talent naturel à improviser. Ce premier ouvrage en solo dénote une réflexion d’étape sur son parcours. Démontre qui sait un point de maturité à borner. Guitariste éclectique comme il lui sied bien Biréli Lagréne inclut dans cette Suite quelques (rares) étincelles d’électrique déroulant un fil moelleux (Put your dream away) ou éclatant (Fifty five reasons) Et ajoute enfin une séquence de basse -au passage quel incroyable bassiste il fait dans la peau d’un Pastorius métaversé sur le disque mené par Charlier et Sourisse en hommage á Jaco- où il se fait visiblement plaisir (Angel from Montgomery) Le plaisir justement parlons en résonne tout au long de cet album tel, au palais , une saveur dominante. À partager.

Robert Latxague

Minino Garay

Speaking Tango (Sunnyside Récords/ Socadisc)

Minino Garay est un percussionniste hors pair, situé hors catégorie dont les tambours ne peuvent se trouver rangés sur aucun type d’étagère. Minino trimballe ses percussions multiples du solo jusqu’au big band. De quoi emprunter les chemins de notes de jazz, de chanson, de théâtre, de tango et de milonga évidemment eu égard á ses racines, ses veines argentines. Et puis pour qui l’a vu une fois une seule sur une scène le musicien de Cordoba figure un acteur né. Calé sur autant d’attitudes, mimiques, effets de visage, de regards ou de mains les mots prononcés ou scandés sonnent comme autant de chants exhalés moteur pleine puissance. En ce sens ce disque singulier figure un glossaire de tous ces talents conjugués. Speaking Tango vient de l’attrait de Minino Garay pour le spoken word, trame de poésie, musique et rythmes brassés en mode improvisation. D’une voix “mâle” qui engloutit glouton sa langue natale il chante le corps féminin traité de l’intérieur comme de l’extérieur (En lo más profundo de Ella), vante les manières exaltées de chanter l’histoire éternelle d’aimer à façon (Amame on line) Il pratique poète espagnol ou écrivains de son pays natal. Et pour nourrir l’exercice de l’improvisation, alimenter sa passion des musiques vivantes il convoque la flûte de Magic Malik, les guitares acides de Manu Codjia ou Jean Marie Ecay, les batteries savantes d’Andre Ceccarelli et Pipi Piazzolla (petit fils de son compatriote de légende Astor, réinventeur du bandonéon pour un tango moderne), le piano de son pote Hernán Jacinto, les voix de David Linx, Melingo inclassable chanteur “argentino” et de la comédienne Alex Pandev enfin (succulent, séduisant, sensuel feux d’artifice en duo vocal sur “Boca con Boca”) Les musiques de Minino s’exposent ici, au présent, en un catalogue des échos de celles du monde d’aujourd’hui. Vivantes et à chair vive.

Robert Latxague