Journaliste: pour quoi faire ?


Edito

12/01/2019

Le mouvement dit des Gilets Jaunes, la crise sociale, l’actuelle controverse politique comme la perspective des élections européennes à venir ont accentué la mise en cause de l’information du public donc des citoyens. Et placé dans le viseur les producteurs de nouvelles que sont les journalistes. D’où quelques réflexions nécessaires sinon une mise en perspective de ce métier, de cette fonction essentielle au débat. Donc à la vie démocratique.

Journaliste quèsaco ? Pour qui, pour quoi ? Ce métier désormais sujet à beaucoup de commentaires sinon de fantasmes relève d’une simple évidence: il permet de donner, trier l’information qui jaillit à flot continu, de la valider en la vérifiant auprès des sources, de la hiérarchiser, de la mettre en perspective enfin, Histoire de la rendre accessible, compréhensible au plus grand nombre possible. Et ce quel que soit le média utilisé, presse écrite, radio, télé ou les variantes actuelles du numérique, internet et web sur les supports adéquats.

Reste un constat tout aussi simple. On assiste aujourd’hui dans notre  société à une « défaite des faits » au profit  d’une déviation due à un appétit aiguisé de l’interprétation, du commentaire qui célèbre la priorité de l’intérêt du particulier au détriment  du général. Surgit dès lors une tendance forte à la désinformation qui frappe « celui qui dupe comme celui qui accepte d’être dupé ». En particulier depuis la généralisation de la pratique du « net », de la diffusion du « message » via le canal ininterrompu du « web. » D’où la perte de confiance qui touche l’information et au premier rang ceux qui la diffusent. D’où ce courant de confusion entre le vrai et le faux, l’émergence de cette notion tueuse de « fake news » ou « infox » en bon français. Ce phénomène se traduit par une hostilité voire des agressions envers des femmes et des hommes qui, sur le terrain, au contact, donc là où cela se passe vraiment, ne font justement que leur métier au service du public. Bien entendu, comme l’écrivait avec à propos le sociologue Pierre Bourdieu « LE journaliste est une entité abstraite qui n’existe pas. Ce qui existe ce sont DES journalistes différents selon le sexe, l’âge, le niveau d’instruction…le médium qu’ils représentent » Et c’est vrai, la situation économique de leur entreprise -les médias sont des entreprises dans un monde économique tel qu’on le connaît aujourd’hui- vit aussi dans la concurrence, les phases d’évolution voire de restructuration. Autant de données qui, à l’image de bien d’autres métiers, influent sur les conditions d’exercice de la profession, sur la qualité du travail rendu.

Reste que pour ceux et celles, professionnels qui détiennent une carte de presse -délivrée par une Commission Nationale paritaire représentants les syndicats et les organisations patronales- la mission d’informer répond à un objectif bornée par l’éthique, la déontologie en l’occurence comme règle de travail basique.

Un constat à présent. Beaucoup des critiques envers les journalistes font une référence expresse à un média précis, la télévision. Pour ne pas dire aux présentateurs des grands grandes messes du 20 h. Où au robinet quasi ininterrompu des deux principales chaines d’info continue diffusées sur l’hexagone. Il existe pourtant nombre d’autres médias fournisseurs d’infos. Depuis la presse locale, Presse Quotidienne Régionale (PQR), réseaux de radios et télés de service publics jusqu’à la presse nationale, quotidiens ou hebdos aptes à donner les informations également en temps réels, mais aussi à les analyser, en fournir un éclairage. Pourquoi ne jamais évoquer ces journalistes qui font également leur boulot en conscience plutôt que les stars sacralisés du dit « petit écran » ou les soutiers souvent surexploités de l’info tv continue ? Personne n’est obligé de subir ainsi une vision du monde par écran interposé assis confortablement dans un fauteuil un verre à la main, ou appuyé sur un comptoir avec un demi, voire pour certains les pieds plantés sur un rond point avec comme unique miroir des réalités la mini fenêtre d’un téléphone portable comme autant d’autels signifiants et déterminants, seuls aptes à célébrer la soit disant grand messe du « Tout Monde » pour reprendre la formule d’Edouard Glissant. Chez les journalistes au boulot, les petits, les « normaux », bref le plus grand nombre font aussi le métier. Qu’on se le dise. Et ce à la vue de chacun(e) , puisque dans ce rôle on signe sa parole, son écrit, son image. 

Alors permettez qu’au nom de mes consoeurs et confrères, en toute connaissance de cause, je reprenne en bannière, et à la réflexion de tous cette formule positive due à la plume d’Eric Fottorino, ancien patron du Monde, actuel directeur de l’Hebdo Le Un : « Informer c’est lutter, résister, combattre » 

Pareille maxime pourrait figurer en manchette de toutes les bonnes gazettes. Les grands et les…petits canards. Tous les écrans regardés…sans fumée.

Robert Latxague